Hilary Clinton souhaite renégocier l'Alena si elle est élue présidente des Etats-Unis, entre autres pour mieux protéger l'environnement. Le Québec devrait s'en réjouir, car ses réserves en eau douce attisent les convoitises au sud de la frontière.
"Le Québec fait un bien meilleur travail que plusieurs régions dans le monde" pour la protection de l'environnement, a déclaré Al Gore lors de son récent passage à Montréal. La phrase est suffisamment floue pour que le compliment ne choque pas ailleurs. L'expression "plusieurs régions dans le monde" visait sans le dire les Etats-Unis.
L'imposition de règles environnementales plus dures constitue l'une des grandes peurs que suscitent aux Etats-Unis le projet de renégocier l'Alena des candidats à l'investiture démocrate Hilary Clinton et Barack Obama. Philippe Legrain, journaliste au German Marshall Fund, un organe du gouvernement étatsunien qui défend le libre-échange, s'en prend aux "Cinq mythes sur l'Alena" dans un article paru ce week-end dans le Washington Post. L'un d'eux voudrait, selon le journaliste, que "des règles plus strictes concernant l'environnement profitent aux travailleurs américains".
Cette idée est bien entendu fausse, estime Philippe Legrain, car "les normes environnementales canadiennes vont généralement plus loin que celles des Etats-Unis et les Canadiens pourraient affirmer que ce laxisme constitue un cas de concurrence déloyale favorisant les entreprises étatsuniennes. Le Canada et le Mexique participent aux efforts planétaires pour contrer les changements climatiques, ils pourraient décider de réduire les importations étatsuniennes si Washington n'en fait pas plus en matière d’environnement."
Al Gore avait raison de saluer les efforts québécois. Le Québec, qui s'est engagé à "respecter Kyoto", à la différence du Canada, pousse sa politique environnementale plus loin qu'Ottawa. La province aurait donc des raisons de saluer le projet débattu par les démocrates de rendre l'Alena plus verte. Emanant directement du cadre fourni par cet accord de libre-échange, une menace pèse, écrit dans un récent rapport Tony Clarke de l'Insitut Polaris, un groupe de réflexion canadien de gauche.
La crédibilité de ce rapport souffre de la piètre qualité de sa traduction française, disponible en format pdf, mais la mise en garde émise doit être entendue. Tony Clarke rappelle que "l'éventualité des exportations d'eau en vrac vers les États-Unis demeure un enjeu politique pressant sur la Colline [parlementaire à Ottawa] et risque d'être la goutte qui fera déborder le pot [sic]. En avril 2007, beaucoup de personnes ont appris par l'entremise des médias que les 'transferts d'eau' vers les États-Unis figuraient à l'ordre du jour d'une réunion à huis clos se tenant à Calgary du Projet sur l'avenir de l'Amérique du Nord 2025, reconnu officiellement comme un groupe de gens d'affaires de haut niveau dont le but est de conseiller les chefs politiques du Canada, du Mexique et des États-Unis en ce qui a trait aux questions à l'ordre du jour relativement au Partenariat pour la sécurité et la prospérité (SPP). Les conseillers en affaires ont fait ressortir les problèmes émergents liés à la pénurie d'eau aux États-Unis (et au Mexique) et ont suggéré de conclure des ententes régionales 'traitant d'enjeux tels la consommation d'eau, les transferts d'eau, la déviation artificielle de l'eau douce...'"
Robert Bourassa et Brian Mulroney avaient déjà en leur temps appuyé la construction d'un canal pour irriguer l'est des Etats-Unis avec de l'eau tirée du bassin hydrographique du nord québécois. Le projet n'a pas vu le jour et l'Alena a par la suite exclu l'eau de sa liste des biens exportables. Plusieurs villes des Etats-Unis risquent cependant de manquer d'eau dès 2015. Les ressources québécoises et canadiennes sont dés lors très tentantes. L'Alena joue dans ce contexte un rôle équivoque. Cette plateforme libérale peut soit faciliter l'ouverture rapide des valves, soit les fermer définitivement.
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